INTERVENANT :
Lieu
Supagro Florac Voir sur la carteLe pays du caïman
Comme pour toutes les cinématographies africaines, sa naissance est récente. Pourtant, le premier film réalisé et interprété par des africains subsahariens sera sénégalais : Afrique sur Seine en 1955 par Paulin Soumanou Vieira ( et même si la critique française date plutôt la naissance du cinéma sénégalais des débuts de l’écrivain Ousmane Sembene).
Celui qui sera le « grand caïman» du cinéma africain réalise son premier long-métrage coup de poing en 1966 La noire de… qui raconte l’esclavage subi par la bonne d’un couple de coopérants. Sembene est le premier à tourner en Wolof, (puis en Diola pour Emitaï situé en Casamance) et s’attaquera ensuite au néocolonialisme qui s’empare des élites africaines, défendant toute sa vie un cinéma classique, très engagé dont on retiendra les fresques lentes et pénétrantes Camp de Thiaroye et Ceddo ou la justesse de Mooladé.
Arrive ensuite celui qu’on appelle le Rimbaud du cinéma africain Djibril Diop Mambety auteur du fulgurant poème Touki-Bouki (1973) et qui immortalise le petit peuple des marges de la société dakaroise (La petite vendeuse de soleil ). Toujours dans cette deuxième génération de réalisateurs sénégalais, n’oublions pas que Safi Faye fut dès les années 70 la première cinéaste africaine et s’est notamment penchée sur le monde rural (Mossane, 1997). Également très engagés dans les problématiques sociales Mahama Johnson Traoré (Njangaan, 1974) ou Ben Diogaye Beye ( Un homme deux femmes en 1980 sur la polygamie). Enfin, celui qui fut à l’origine de la télévision sénégalaise, Tidiane Aw, réalise aussi de la comédie populaire avec Pour ceux qui savent, qui dénonce le maraboutage ou encore le film de gangsters Le Bracelet de bronze (1973).
« Une parole intéressante a toujours des oreilles » disait la grand-mère du plus grand documentariste africain Samba Félix Ndiaye (Le trésor des poubelles, série de cinq films sans paroles autour du recyclage en 1988 ou Questions à la terre natale sur le devenir de l’Afrique). Le développement du cinéma documentaire confirme donc une diversification de la production nationale qui n’est hélas pas toujours suivie de représentativité sur la scène internationale.
Après l’ère panafricaniste, chaque pays semble désormais suivre sa voie. De ces années de vaches maigres se détachent Le prix du pardon de Mansour Sora Wade en 1992, puis les films de Joseph Gaï Ramaka (la comédie musicale Karmen à Cannes en 2001) et de Moussa Touré (le film culte Toubab bi, sa comédie à succès TGV, puis La pirogue). La crise entraîne la fermeture des dernières salles d’Afrique faute de politiques publiques. L’accès au numérique tarde à imposer de nouveaux auteurs, même si le cinéma du réel nous aura donné l’écrivain et cinéaste Khady Sylla, qui éclaire la place de la folie dans la société dakaroise avec Une fenêtre ouverte (grand prix FID Marseille).
Si l’on en croit les programmateurs des festivals, les espoirs se portent plutôt sur les cinéastes de la diaspora, Alain Gomis (Aujourd’hui) ou Diana Gaye ( Des étoiles, 2015). Pourtant la génération numérique qui tourne plus que jamais avec le système D pourrait avec un coup de pouce à la diffusion enrichir notre petit bagage cinématographique sur ce grand pays de Culture, carrefour historique, économique social et religieux et qui est toujours un des plus modernes de l’Afrique.