INTERVENANT :
Lieu
La Nouvelle Dimension Voir sur la carte
Les chasseurs de monstres n’échappent pas à la fascination pour l’objet de leur quête. Si l’existence des monstres peut s’avérer positive, c’est que leur existence est subordonnée à leur fonction sociale. Le romantisme s’est ainsi plu à exalter leurs vénéneuses beautés avant que les périodes révolutionnaires prônant un renversement des valeurs ne s’entichent de ces briseurs de tabous. Certaines catharsis débouchent sur une déification et même sur un culte national comme le démontre au Japon le genre florissant du Kaiju eiga (film de monstres), sorti des océans post-nucléaires.
Le monstre dans l’œil de celui qui regarde, le voyeurisme a joui de l’invention de la photographie puis du cinématographe. Cette image déformée de nous-même ne fait pourtant que nous interroger sur notre propre nature…
Plutôt que de les lister en un fastidieux inventaire qui se plierait à la tératologie- la science des monstres – et à sa classification, nous préférerons les aborder à travers leurs rapports avec la société qui les entoure, et toujours les en sépare, le monstre restant le révélateur de l’être ou de la communauté qui se pense supérieure à lui. Nous mettrons donc un point d’honneur à gratter le vernis de la civilisation pour y révéler l’horrible, en mettant l’accent sur les dérèglements, tant dans les personnages ou groupes sociaux que dans les situations qu’ils engendrent et ce, pour traiter aussi ces films auxquels on ne penserait pas au premier abord…
Ce stage a pour objectif, à partir de nombreux extraits, d’aborder la fabrique filmique des monstres, sous toutes leurs coutures, ou presque !
Monstres et merveilles
« Tous les dragons de notre vie sont peut-être des princesses qui attendent de nous voir beaux et courageux. Toutes les choses terrifiantes ne sont peut-être que des choses sans secours, qui attendent que nous les secourions. »
Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète
D’abord, il faut rappeler que l’existence des monstres est subordonnée à leur fonction sociale, et de ce fait, leur simple existence, réelle ou imaginaire, est déjà et en cela un point positif. Le romantisme s’est plu à exalter les monstrueuses beautés avant que les périodes révolutionnaires ne prônent le renversement des valeurs et la création d’un nécessaire désordre jusqu’à extase expiatoire de l’émeute. Certaines catharsis collectives peuvent par la suite tourner au culte national, comme le démontre la persévérance au japon du genre Kaiju eiga (film de monstres), sorti des océans post-nucléaires.
Le monstre est dans l’œil de celui qui les regarde et le voyeurisme a progressé de pair avec les progrès de la science dans la société moderne, avec l’invention de la photographie, puis du cinématographe. Effet miroir : cette image déformée de nous-même nous interroge sur notre nature.
Bien des monstres humains ou animaliers sont avant tout des victimes et si le monstre gentil est moins représenté dans l’histoire du cinéma, c’est que son pouvoir de fascination est moindre que celui de la vision d’effroi. Cette nouvelle perception des monstres sécrète de la mélancolie et même des amis imaginaires dès que le hors norme devient positif et vecteur de curiosité, et que la différence peut s’essayer à la familiarité. Parmi les nouvelles normes, l’actuelle culture des super héros, où des êtres maladifs ou maudits se mettent au service du bien pour un public versatile qui leur voue un temps un culte teinté d’inquiétude.
Gare aux métamorphoses diverses ! Moins d’êtres polymorphes et donc merveilleux, mais plutôt des humains chez qui s’opère un transfert des caractères et valeurs monstrueuses. Car le monstre Puis qu’énergie, il transforme celui qui le regarde, à la manière de certains paradis artificiels, il se fait simple passager et nous ou notre regard, son véhicule. Notre quête à travers la métempsychose n’est-elle pas similaire ? Les changements d’état, organiques et corporels jusqu’à la décomposition ne sont-ils pas annonciateurs de nouvelles naissances ?
Quand l’amour revêt à son tour des formes monstrueuses, nos fondements en sont tous bouleversés. Des monstres humains peuvent ainsi faire leur nid dans la bourgeoise société… Dernier stade de l’adoration, la formule propre au cinéma et popularisée par Jean Cocteau : monstre sacré, afin de qualifier et d’immortaliser le charisme extraordinaire d’humains-véhicules de tous nos fantasmes de spectateurs.